Utilisation des néopronoms : une tendance dans la vie quotidienne ?

L’Académie française n’a jamais validé de nouveaux pronoms au XXIe siècle. Pourtant, des formulaires administratifs officiels, des plateformes numériques et des établissements scolaires acceptent depuis peu des formes inédites, comme iel ou ul. En 2021, un grand dictionnaire en ligne a intégré pour la première fois un néopronom, soulevant de vives réactions dans les sphères politiques et médiatiques.

Les politiques publiques hésitent entre neutralité linguistique et reconnaissance des identités de genre non-binaires. Le débat s’étend désormais aux pratiques quotidiennes, des signatures de courriels aux échanges professionnels, révélant des enjeux sociaux et juridiques inédits.

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Comprendre les néopronoms : définition et origines en français

Ces dernières années, une génération de nouveaux pronoms s’est imposée dans les échanges : les néopronoms. Leur fonction ? Permettre de parler d’une personne sans assigner un genre masculin ou féminin. Face à la structure binaire du français, des propositions telles que iel, ul, ael ou yél sont le reflet d’un besoin de reconnaissance de la diversité de genre. Si leur apparition s’explique en partie par la mobilisation d’individus concernés, elle doit aussi beaucoup à l’impact de langues étrangères, déjà plus avancées sur ce terrain.

Côté anglophone, le recours au pronom they/them pour désigner une personne non-binaire est devenu courant, sans soulever le même flot de crispations qu’en France. La Suède, elle, adopte officiellement le pronom hen depuis près d’une décennie. Ici, le mouvement reste plus marginal. Longtemps cantonnés à des cercles militants, les néopronoms se sont frayé un chemin jusque dans les discussions publiques, sur les réseaux sociaux et même dans les signatures professionnelles de certains secteurs.

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Ce glissement remet à plat notre système linguistique, conçu sur le diptyque masculin-féminin. Mais derrière la querelle grammaticale, le néopronom répond à une réalité concrète : il donne enfin une place aux identités jusque-là ignorées par la norme. C’est dans ce contexte que le débat sur l’écriture inclusive et la visibilité des personnes non-binaires prend de l’ampleur.

Pour mieux saisir l’ampleur et la variété des néopronoms, voici quelques exemples utilisés en France et ailleurs :

  • iel : contraction de il et elle, sans doute le plus répandu dans l’Hexagone
  • ul, ol, ael : d’autres alternatives, moins fréquentes mais présentes dans certains réseaux militants
  • hen (suédois), they/them (anglais) : références d’autres pays ayant déjà franchi ce cap

Parce que nos façons de dire façonnent nos façons de voir, le débat sur les néopronoms bouscule les marqueurs collectifs autour du genre et soulève des enjeux qui, désormais, dépassent largement la sphère linguistique.

Pourquoi leur usage suscite-t-il débats et interrogations ?

Employer un néopronom, ce n’est pas simplement rajouter un mot dans le dictionnaire. Cela revient à interroger le cœur même de la grammaire traditionnelle, laquelle fonctionne depuis toujours selon les codes masculin/féminin. Légitimer ces nouveaux termes, c’est renverser des siècles d’habitudes, une démarche qui divise jusque dans les plus hautes institutions, l’Académie française en tête.

Le fossé entre les pratiques militantes et l’usage majoritaire reste marqué. Si certains cercles en ligne adoptent spontanément les néopronoms comme iel, force est de constater que, dans la plupart des situations ordinaires, la dualité masculin/féminin continue d’aller de soi. À l’école, dans l’entreprise ou au sein des familles, le glissement s’effectue lentement, avec parfois malaise ou incompréhension. Le terrain est celui de la répétition, de l’accident, mais aussi du tâtonnement et de la maladresse.

L’enjeu, cependant, dépasse les querelles de syntaxe. Pour beaucoup, être mégenré, entendre systématiquement un pronom qui n’est pas le sien, n’est pas anodin : sentiment d’effacement, anxiété, voire détresse profonde. Plusieurs recherches, notamment au Canada et aux États-Unis auprès de jeunes Premières Nations ou de personnes LGBT, mettent en évidence un facteur de bien-être : la validation sociale du pronom choisi influe directement sur la santé mentale, particulièrement chez les plus jeunes. En France, chaque tension autour du néopronom réactive des clivages profonds sur la reconnaissance des identités de genre.

Des exemples concrets : comment les néopronoms s’intègrent dans la vie quotidienne

Sur les bancs de l’université, le changement se met timidement en place. De plus en plus souvent, des enseignant·es lancent la séance en demandant à chacun·e de dire ses pronoms choisis. Dans certaines disciplines, dire « Prénom, pronom iel » devient un usage ordinaire dans de petits groupes, notamment en sciences humaines. Les associations étudiantes imposent désormais l’annonce des pronoms non binaires tel un passage obligé du tour de table. Dans leurs communications, syndicats et collectifs intègrent l’écriture inclusive de façon assumée.

Dans l’entreprise, la transition se fait discrètement. Quelques employeurs, en particulier dans la tech ou les métiers créatifs, encouragent à afficher ses pronoms dans la signature d’email ou sur les profils internes. « Iel » apparaît parfois, avec parcimonie, dans certains espaces collectifs, même si la généralisation reste encore marginale dans l’essentiel du tissu professionnel hors des grandes villes.

Quant à la famille, chaque histoire est différente. Des personnes non-binaires témoignent d’un passage progressif, entre répétition bienveillante et périodes d’incompréhension, pour faire reconnaître leur pronom. Pour d’autres, le chemin ressemble à un long dialogue, marqué d’avancées et de résistances. Pourtant, une dynamique d’adaptation et d’écoute s’installe, notamment chez les jeunes parents soucieux d’offrir un environnement d’inclusion sociale à leur enfant.

Au quotidien, il reste facile de retomber dans les anciens réflexes du genre binaire, mais chaque « iel » employé, chaque usage accepté, contribue lentement à une société plus ouverte et respectueuse de toutes les identités.

personnes diversité

Mieux inclure les identités non-binaires : pistes pour une communication respectueuse

Inclure réellement les personnes non-binaires réclame autre chose que d’ajouter des cases ou quelques mots : c’est accepter de repenser sa façon de s’adresser à l’autre.

Introduire l’annonce des pronoms choisis en début de réunion constitue un pas symbolique et concret. D’abord adoptée par les collectifs militants, cette pratique gagne désormais l’école et l’entreprise. Chacun·e indique alors son pronom, qu’il s’agisse de iel, elle, il ou bien d’un terme comme ael ou ul, et le respect s’installe pour tous les interlocuteurs et interlocutrices.

L’apparition de l’écriture inclusive atteste aussi d’un effort de visibilité. Parallèlement, certains formulaires s’ouvrent de plus en plus à la mention explicite du pronom, ou proposent une option neutre pour correspondre à la réalité du terrain.

Voici des leviers concrets vers plus d’équité dans la communication :

  • Demander systématiquement le pronom préféré lors d’une interaction ou d’un échange
  • Organiser des formations à l’utilisation des néopronoms et à la compréhension de la pluralité des genres
  • Faire évoluer les documents écrits pour tenir compte de toutes les identités

Soigner le choix des mots, c’est agir sans délai sur le vécu et la santé mentale des personnes concernées. À chaque fois qu’un pronom est respecté, une part d’anxiété se dissipe, un sentiment d’effacement recule. Face au poids du genre binaire, il n’existe pas de solution miracle, mais chaque geste laisse une trace. Un mot de plus, un mot différent : c’est ainsi que la langue, et la société qui la parle, avancent.

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